« Inexplicablement, la femelle trouve beau les beaux,
et moches les moches »


Je ne sais pas comment je fais, j’ai toujours été entouré de bellâtres. Le bellâtre, dans ma typologie personnelle, est le parfait imbécile, mais portant beau. J’ai une théorie là-dessus, l’incompatibilité entre beauté et intelligence. Ce n’est pas un truc mystique, l’idée d’une justice immanente qui aurait accordé aux uns la beauté, aux autres l’intelligence, par souci d’équité universelle. S’il y avait une justice universelle,  il n’y aurait pas de « très moches-très cons », or si.

Non, ma conviction est que les beaux de naissance n’ont aucun effort à faire pour plaire. On leur pardonne tout, ils plaisent au premier regard. Résultat : ils sont suffisants, ne développent aucun don, ne progressent en rien. A quoi bon ? Les filles leur tombent déjà toutes rôties dans le bec. A l’inverse, on l’a compris, le laid doit puiser en lui des trésors d’ingéniosité pour attirer l’attention de la femelle. Ce faisant il acquiert une intelligence à l’arrachée, c’est une question de survie. Tandis que la bêtise de l’autre nanti éclate au grand jour. La femelle ne peut alors que constater son aveuglement, se détourner du branleur végétatif, pour se jeter dans les bras de la fulgurance cérébrale.

Sauf que dans la vraie vie, ce n’est jamais comme ça. La femelle, inexplicablement, continue à trouver beau les beaux et moches les moches. Quoiqu’il arrive. En tous cas, dans les débuts de la vie, quand la femelle s’ouvre à l’amour. Et quand le male voudrait aussi s’ouvrir à l’amour, mais bon, pour ça faut être deux, et beau. Intelligent seulement, tu passes ton tour.

Donc, peut-être l’avez-vous deviné, j’étais plutôt du côté de l’intelligence. Pour compenser cette malédiction, le Seigneur tout puissant, m’accorda dans sa grande bienveillance (??) le don… du calembour. Le jeu avec les mots etc. Je n’ai pas chipoté, j’ai pris. C’est moins bien que la force physique et le maniement de l’épée, mais ça m’a très tôt permis de survivre.

Dans ce monde de l’adolescence où la violence prévaut déjà, la force des mots n’est pas anodine. Elle m’a permis d’en terrasser plus d’un. Une menace de brutalité ? Toc, je fourbis mon arme verbale et décoche un trait d’esprit. Rien de plus jouissif qu’une assistance qui s’esclaffe, tandis que votre contradicteur, bouche en « O », constate d’un regard affolé l’hilarité qui l’entoure, incompréhensible de lui.

Il me faut mettre un bémol : la phase suivante est de toutes façons un pain dans la tronche bien senti, suivi d’un coup de pied dans les roustons, ça c’est pour le jeu de mot inbitable. L’esprit a toujours ses limites face à la matière. J’ajouterais un autre bémol, plus grave. Notre Seigneur, avec ce goût prononcé qu’il a parfois pour le canular, m’a offert une arme inopérante dans mon combat principal : la conquête de la femelle.

En effet, je ne vous apprendrai rien, la fille n’est pas équipée pour décoder le calembour. J ‘ai pu le constater mille fois : c’est une forme d’esprit qui lui est totalement étrangère. La femme n’y entrave que pouic. Aucune honte a cela, c’est parfaitement respectable et bêtement congénitale. Bref, me voilà tout ballot avec ce mirifique don qui attire sur moi la perplexité féminine (je n’avais pas besoin de ça). Au premier calembour elles cherchent la sortie en paniquant. Ou alors elles appellent les flics. Je me retrouve avec la police au cul. La PEAU …LISSE… (Laisse tomber.)