« Inutile de dire que j’exècre ceux qui arborent nonchalamment
une trompe d’éléphant dans les vestiaires sportifs »



Abordons de front cette légende qui veut que les garçons soient obnubilés par la taille de leur sexe. Eh bien oui, c’est vrai. En ce qui me concerne, je regrette qu’au repos, cette pièce maîtresse de mon dispositif anatomique soit si… discrète.

On dirait que je sors d’une piscine d’eau froide. Mais quand je sors d’une piscine d’eau froide, c’est pire ! Je m’empresse de dire que ce particularisme embarrassant ne s’applique qu’à la position dite « au repos ». Quand sonne le clairon de l’amour, la hampe de mon drapeau personnel porte fièrement nos couleurs, dans des proportions tout-à-fait honorables, JE LE JURE !!

Inutile de dire que j’exècre ceux qui arborent nonchalamment une trompe d’éléphant dans les vestiaires sportifs. Rien ne permet de spéculer sur cette base. Je maintiens qu’aucune projection un tant soit peu réaliste ne peut déduire une démesure érectile chez ces m’as-tu-vu. Peut-être même n’y gagnent-ils aucun centimètre, ayant tout donné d’entrée. Alors que d’autres qui en ont gardé sous le coude, se réservent pour les grandes occasions. Une autre fable du style « le lièvre et la tortue » reste à écrire sur le thème.

A l’école, je me souviens, les double-décimètres servaient à un usage moins noble que la géométrie. On se les fourrait dans le slip et c’est à un autre calcul, bien plus vital, qu’il était procédé.  Et malheur aux vaincus. J’ai un souvenir cuisant de la visite médicale. La terrible épreuve du grand tâtage de couilles.

Evidemment, la charge en revenait à une inflexible infirmière. la représentante du corps médical étirait exagérément l’élastique du slip et procédait à la regrettable intrusion  sans un mot d’excuse. Elle plongeait sa main là-dessous pour vérifier que tout était bien descendu. Et au suivant.

La mort dans l’âme et le slip, que j’ai dû présenter à l’infirmière un misérable cornichon qui plus est parfaitement glabre. Tout autre infirmière délicate eût glissé sur l’anomalie et enchaîné sur le velu suivant. Mais celle-ci crut bon me faire ce commentaire de commisération, dont l’écho me parvient encore, tant il résonna longtemps : « c’est encore une petite chose ! ». J’ai souri d’un air faussement complice, ai rengainé la petite chose, et me suis éloigné avec cette marque d’infamie désormais gravée sur mon front.

Comment peut-on être aussi peu au fait de la psychologie mâle ? Pourquoi n’en suis-je pas sorti anéanti, errant toute ma vie de divan en divan ?

Mais si je n’y prends garde, la blouse blanche de l’infirmière mille fois maudite se superpose aujourd’hui encore à l’image de la femme désirée, au soir des premières rencontres. Surgit alors cette réminiscence parasite, qui fait chaque fois de moi cet enfant en slip, les mains dans le dos, redoutant la poigne vigoureuse.

Merci donc à ces quelques femmes merveilleuses qui ont pris à mon chevet la relève de la marâtre honnie, et m’ont appris cet axiome de la géométrie féminine : les sentiments valent plus que les centimètres.