« Un ours des Pyrénées
me propose de retirer mon slip »


A-t-elle quelqu’un dans sa vie ? Je me surprends à l’imaginer. Le torse velu, l’œil de velours, il lui tient des discours grotesques sur l’amour, que personnellement j’ai toujours su lui épargner, mais alors lui, il se vautre dans la guimauve,  faut voir comme. J’en suis gêné pour lui (pas trop). Mais comment fait-elle pour ne pas voir ses intentions cachées ? Ses pieds dépassent sous le rideau, et une bosse obscène pointe à mi-hauteur. Son abject organe affleure sous ses phrases mielleuses comme dans un jean trop serré. C’est du romantisme à poutre apparente !

Son organe, parlons-en. Evidemment dans mes spéculations déraisonnables, il est surdimensionné. Mais bien sûr, la voilà la raison ! Elle est attirée par une forme d’exotisme physiologique. Elle veut tâter du gorille. C’est finalement un choix purement zoophile, aucun être humain n’ayant trouvé grâce à ses yeux. Déjà je ne supportais pas l’idée d’une main sur elle, mais alors une pénétration par King Kong…

A dire vrai, je ne supporte tout simplement pas qu’il la voit nue. Quand nous étions ensemble, je parvenais même à me convaincre qu’elle n’avait connu personne avant moi, qui eut pu la voir dans cette tenue d’Eve, et que son seul Adam, c’était ma pomme. Elle était comme une planète vierge, j’étais le premier homme à avoir posé la main sur sa lune. Je nourrissais d’ailleurs une haine farouche pour la clique des radiographes prétendument mammaires, des gynécologues pas plus obstétriciens que vous et moi, mais toujours partant pour se rincer l’œil , ça oui !

Nous étions convenus d’une chose importante : elle ne consulterait que des femmes. En retour, pour mes éventuels petits tracas péniens, je ne verrais que des hommes. Point. Puisque nous sommes dans un moment de vérité, de mise à nu (!), je dois confesser qu’il me fut impossible de tenir parole. Pour une bête histoire de champignons mal placés (on prétend qu’il ne faut jamais révéler un coin à champignons, mais bon là j’ai bien été obligé), j’ai tendu l’organe à un honnête praticien. Qui l’a saisi de ces gros doigts boudinés et velus ; même engoncés dans des gants de vaisselle transparents  c’était ignoble.

Nous avions été à peine présentés, comment ai-je pu faire preuve d’une telle faiblesse, je me l’explique d’autant moins, qu’avec son collier de barbe et son embonpoint sous le gilet, il n’était pas du tout mon genre, si tant est que j’ai jamais eu un genre de ce côté couillu de l’humanité.

Le sommet de l’aberration fut atteint lorsque je demandais à l’honnête praticien comment on examinait la prostate (organe que je connaissais mal mais que je situais vaguement derrière la vessie, donc inatteignable par des moyens humains) et qu’il s’employa à me répondre de deux doigts gantés dans le rectum.

Ce fut la goutte d’eau. On le comprendra, nos relations en restèrent là. Non merci. Je persiste à penser qu’il y a quelque chose de parfaitement inconvenant à ce qu’une créature testiculée s’occupent de mon anatomie, laquelle fut si souvent et de manière si naturelle confiée à la gent féminine.

Le pire : quand il me fut prescrit un prélèvement du canal de l’urètre, une sorte d’Ours des Pyrénées s’est dirigé vers moi, me proposant de retirer mon slip (comme ça, sans même boire un verre avant) puis m’introduisit un coton tige dans le méat urinaire.

Je ne sais quelle douleur fut la plus grande, physique ou morale. Mais à l’instant d’imaginer Isabelle sous les coups de boutoir d’un phénomène de foire, me revient ce proverbe qui veut qu’on voie toujours la poutre dans le slip du voisin mais le coton-tige dans le sien toujours trop tard.