« La bêtise crasse d’une jolie fille de passage n’est jamais un obstacle.
Au contraire, ça l’excite ! »


En ce moment, je fais le tour des amies libres, mentalement. Sandrine, Brigitte, Marie-Laure, Patricia… En ayant bien conscience que si elles sont libres, c’est louche. Sur le marché, une jolie fille n’est forcément pas disponible. C’est la loi de l’offre et de la demande. Et je ne suis pas encore prêt à donner dans le cageot.

J’adore parler des filles en ces termes. Ca me donne un sentiment de puissance. Je reprends la main. Ce ne sont plus elles qui décident, c’est moi. Donc Sandrine, Brigitte, Marie-Laure, Patricia, c’est non. N’insistez pas. Et ce qui me réjouit plus encore, c’est qu’elles auraient sans doute dit non elles aussi. Donc tout est bien qui finit bien.

En fait, je ne suis pas prêt à reprendre le long et douloureux chemin de la séduction. Isoler la victime, se renseigner sur elle (pourquoi est-elle libre ? c’est louche), provoquer d’invraisemblables hasards pour la rencontrer, faire le beau, le cultivé, le raffiné, être entreprenant mais pas trop, intéressé mais distant, mettre la langue (j’accélère un peu), boire un dernier verre chez elle, ne pas s’embrouiller dans le système d’attache du soutien-gorge et réaliser un rapport sexuel dans un temps honnête – c’est-à-dire pas trop court bien sûr, mais pas trop long non plus, sinon les prochaines fois, il ne faudrait pas faire moins – tout ça me fatigue d’avance.

Et quand bien même je serais allé au terme de ce chemin de croix, parvenu jusqu’au lit de la fille, ou elle dans le mien (Bon Dieu, penser à changer les draps !!), autre chose me terrifie : l’après-amour. Car j’ai entre les jambes un instrument de navigation qui fausse toutes les données. Cette boussole folle m’a souvent poussé vers tout ce qui porte jupon, sans réel discernement.

Le sexe masculin peut-être un bon compagnon, mais ne jamais oublier que c’est un parfait imbécile. N’importe quelle fanfreluche le met en émoi, et la bêtise crasse d’une jolie fille de passage n’est jamais un obstacle. Au contraire, ça l’excite ! Voilà comment il m’entraîne à sa suite dans de pénibles tribulations.

Car ce crétin fini est en revanche doté d’un grand sens de persuasion. Il ne me laisse entrevoir que les aspects affriolants d’une créature, projette en moi les visions les plus sexuellement trépidantes, comme ces mensongères « lunettes pour voir à travers les vêtements » que nous vantaient les publicités de mon enfance. Tout ça dans le but exclusif de foncer tête baissée dans le tunnel de jouvence. Sa seule préoccupation d’organe convexe : trouver l’organe concave. Où qu’il soit, à n’importe quel prix et quelles qu’en soient les conséquences.

Résultat : il m’est arrivé de me réveiller au petit matin aux côtés d’une personne inconnue (heureusement une fille). Et il me fallait admettre que nous n’avions rigoureusement rien à faire ensemble, à part cette complémentarité organique dont nous avions rapidement épuisé tous les attraits. Ne nous restait que le pire à vivre : le petit matin saumâtre des amants mal assortis.

Tandis que l’autre, mon compagnon de mauvais conseils, tout flétri de sa nuit de bamboche et sa besogne atavique accomplie, roupillait profondément de son œil unique, plissé en un sourire de contentement.